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Stéphanie Paoli : l’art du jeans en héritage


Armelle Petipa le Dimanche 12 Juillet 2020 à 16:23

Quoi de plus banal dans nos vies que le jeans, quoi de plus familier aussi ? Bleu ciel, marine gris ou noir, cette toile américaine qui habille nos silhouettes depuis la fin de la guerre, décline nos différents modes d’être : décontracté, sportif ou encore chic lorsqu’il accessoirisé… Le jeans a envahi notre quotidien mais aussi notre imaginaire. C’est cet imaginaire issu de la mode créative, que nous propose de revisiter Stéphanie Paoli, dessinatrice originale, à mi-chemin entre art classique et art moderne.



CNI a rencontré le 7 juillet dernier, cette artiste sensible qui expose  jusqu’au 17 juillet prochain, à l’espace culturel de l’Ile Rousse.
Encouragée par la peintre Monique Yenco-Fusella, une habituée du Parc d’exposition Galéa à Bastia, Stéphanie Paoli nous propose de nous évader autour de thématiques diverses, celle de « Covid Love » d’une part, regroupant des toiles évoquant des couples masqués, celle réalisée d’autre part, autour de grands personnages, comme nos héros insulaires, Napoléon, Pascal Paoli, ou de femmes célèbres, Mata Hari, Colomba.
Outre cette dizaine d’œuvres récentes, l’exposition donnera à voir une quinzaine d’œuvres précédentes, dérivées directement du thème de la mode.
 
« La touche » ou plus exactement la particularité des toiles de Stéphanie, réside tout justement dans une association heureuse entre le trait de crayon au fusain, et l’insertion de morceaux de jeans. Les portraits ainsi esquissés convoquent dans une harmonie surprenante, la vision et le « toucher », rendant au spectateur cette impression de moderne actualité, propre au personnage.
 
C’est en quelque sorte un peu de chacun d’entre nous, mais sublimé par le regard de l’artiste, qui se trouve projeté dans le tableau : un condensé de l’être à un instant déterminé de son histoire. D’où ce curieux sentiment de proximité affective que l’on ressent.
Mais cette impression n’est somme toute, pas si surprenante, lorsqu’on écoute Stéphanie nous expliquer la raison du choix du matériau du jeans pour nourrir ses créations.
 
« Lorsque je crée je suis dans le rêve et l’évasion, mais aussi dans l’attachement affectif » nous confie-t-elle.
 
L’idée d’intégrer du tissu, en particulier du jeans, lui vient au décès de son père. Au lieu de laisser le temps détruire des morceaux de toile usés par ceux qui ne sont plus, Stéphanie décide de les convoquer devant l’éternité…
 
Dessiner des toiles en y incorporant les jeans des êtres aimés, c’est donner aux souvenirs et à l’intime un lieu symbolique d’existence, c’est accéder à ce désir d’éternité proprement humain. Et elle le réalise aussi pour ceux qui sont vivants, recyclant les jeans de sa fille de neuf ans.
Elle nous rappelle, à l’instar de la madeleine de Proust, que les choses, les objets ont une âme, celle de qui les a touchés… Et cette fusion éphémère de l’humain avec le monde matériel, la mémoire en célèbre le souvenir ému.
 
Bel exemple de cette fonction essentielle attachée à l’art comme à la Littérature, la recherche de l’Essence, le refus affectif du temps et de la mort, le besoin de transcendance.
 
C’est ce qu’exprime Fernando Pessoa lorsqu’il écrit : « La Littérature est la preuve que la vie ne suffit pas. »
L’art aussi, pourrait-on ajouter… Les dessinateurs, les peintres les musiciens connaissent bien tous les tourments de cette vérité universelle !
 
CNI a demandé à Stéphanie Paoli, en fin d’interview, comment elle envisageait justement les artistes. Voici ce que qu’elle nous a répondu :
 
« Les artistes sont comme des filtres qui donnent une vision personnelle de la société dans laquelle ils vivent. »
 
L’implication de l’artiste dans son temps et dans son époque ne fait plus aucun doute pour cette dessinatrice, qui admire autant Léonard de Vinci ou Michel-Ange, que Picasso ou Kandinsky.
 
Par ailleurs Licenciée en droit, Stéphanie nous confirme que prendre les chemins de traverse propres à l’Art, n’écarte pas pour autant de l’engagement, propre à chacun dans la cité.
 
Pratiquer un art, reviendrait à bien des égards, à recevoir une certaine mémoire en héritage, à ancrer éperdument dans son temps ?